14 Juin La rupture conventionnelle collective : un nouveau mode de rupture du contrat de travail
La rupture conventionnelle collective a été créée par les ordonnances n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 et par la loi du 29 mars 2018 de ratification de ces ordonnances. Une nouvelle section intitulée « Rupture d’un commun accord dans le cadre d’accords collectifs » a ainsi été introduite dans le Code du travail (C. trav. art. L. 1237-19 à L. 1237-19-14 ; R. 1237-6 à R. 1237-6-1 ; D. 1237-7 à D. 1237-12 ; D. 1233-37 à D. 1233-44). L’objet de la rupture conventionnelle collective est clair. Elle est destinée à réaliser des suppressions d’emploi sans passer par la voie du licenciement pour motif économique et sans avoir à justifier d’un contexte de difficultés économiques ou de toute menace sur la compétitivité de l’entreprise. C’est pour cette raison que ce nouvel outil normatif à disposition de l’employeur est utile pour réaliser une compression d’effectif nécessaire dans un climat apaisé. Du côté des salariés, la rupture conventionnelle collective peut comporter des garanties négociées plus avantageuses qu’un licenciement pour motif économique tels que des systèmes de pré-retraite, des aides à la création d’entreprise, un financement de formations, un dispositif de congé mobilité, des actions de reclassement externe négociées avec d’autres entreprises….
Ce dispositif se situe ainsi à la frontière du plan de départ volontaire consacré par la jurisprudence, de la rupture conventionnelle individuelle et d’autres dispositifs d’accompagnement des licenciements économiques : plan de sauvegarde de l’emploi, contrat de sécurisation professionnelle, congé de reclassement et congé de mobilité. Vivement critiqué par la doctrine (Dr. Soc. 2018. 26, obs. P. Morvan ; JCP S. 2017. 132, obs. L. Marquet de Vasselot et A. Martinon ; Sem. Soc. Lamy 2017, n° 1788, p. 9, obs. G. Loiseau), il apparaissait indispensable pour le Ministère d’apporter des éclaircissements. C’est ainsi, dans l’objectif d’éviter une confusion dans la mise en œuvre de ces différents dispositifs, que le Ministère du travail a mis en ligne le 17 avril 2018 un « questions-réponses » (cf. document annexé). Le Ministère a précisé qu’une « entreprise peut entamer des négociations afin d’aboutir à un accord RCC, puis connaître une évolution de sa situation qui la conduirait à décider de mettre en œuvre un plan de départs volontaires. Mais dans ce cas, l’employeur sera tenu de reprendre la procédure PSE au début ». C’est pourquoi la négociation d’une rupture conventionnelle collective est une solution pour l’employeur qui est confronté à une suppression d’emplois sans pour autant que celle-ci soit pleinement justifiée au regard des causes du licenciement pour motif économique. Celle-ci suppose néanmoins que le principe de volontariat soit rigoureusement respecté. En ce sens, les conditions de négociation doivent être scrupuleusement respectées.
L’article L. 1237-19 du Code du travail subordonne, dans un premier temps, la mise en place d’un dispositif de rupture conventionnelle collective à l’information sans délai de l’ouverture d’une négociation à l’administration du travail puis, dans un second temps, à la signature d’un accord collectif. Il faut noter que la durée de l’accord est nécessairement à durée déterminée. Il est alors conseillé de prévoir une clause de révision de l’accord au bout d’une certaine durée d’application dans le but de laisser une possibilité de prolongation des négociations.
De plus, cet accord collectif doit obligatoirement comporter toute une série de mentions visées par l’article L. 1237-19-1 du Code du travail. Il doit notamment prévoir les modalités et conditions d’information du comité social et économique, le nombre maximal de départs envisagés, l’indemnité de rupture qui ne pourra être inférieure à l’indemnité de licenciement et les critères de départage entre les candidatures. Dès lors, l’employeur pourra accepter ou refuser des candidatures de salariés en fonction de critères objectifs de départage.
Une fois l’accord conclu, l’employeur soumet l’accord à la DIRECCTE qui dispose de 15 jours à compter de la réception du dossier complet pour valider ou non le projet de rupture conventionnelle collective.
La rupture conventionnelle collective présente ainsi d’importantes similitudes avec le plan de sauvegarde de l’emploi qui trouvent écho dans la procédure de contrôle menée par l’administration du travail. Ces rapports de gémellité risquent de générer des difficultés de mise en œuvre avec des contentieux à la clé. L’absence de frontières claires et précises entre ces différents dispositifs nécessite d’être particulièrement vigilant dans l’utilisation de ce nouveau mode de rupture du contrat de travail.