Les incidences du COVID-19 sur la pratique contractuelle

Avocat Droit des Sociétés Valence Drôme - Cap Conseil Avocats - Patricia TATON

Les incidences du COVID-19 sur la pratique contractuelle

La loi du 23 mars 2020 dite « Loi d’urgence » a autorisé le gouvernement à prendre des mesures pour faire face à la situation  par voie d’ordonnance.

L’article 4 de la loi du 23 mars 2020 a consacré « l’état d’urgence sanitaire »,  période durant laquelle l’exercice de certains droits fondamentaux a été limité. Cet  état d’urgence sanitaire devait prendre fin  le 24 juin 2020. La loi N° 2020-546 du 11 mai 2020  a prorogé l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020.

L’état d’urgence sanitaire doit être distingué de « la période d’urgence », période de référence qui a été qualifiée par une circulaire du 26 mars 2020 de « Période Juridiquement Protégée ». Elle se situe entre le 12 mars et le mois qui suit la fin de l’état d’urgence soit le 24 juin.

La Période Juridiquement Protégée n’a pas été prorogée  à la suite de la loi  du 11 mai 2020.  Pour autant et dans la mesure où la  durée de la période juridiquement protégée était définie par rapport à celle de l’état d’urgence sanitaire,  on pouvait penser que la prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 devrait avoir pour effet de proroger la Période Juridiquement Protégée jusqu’au 10 août 2020.  Cette incertitude a été levée par l’ordonnance N°  2020 560 du 13 mai 2020 qui fixe la fin de la Période Juridiquement Protégée au 23 juin inclus.

C’est cette Période Juridiquement Protégée qui va servir de toile de fond  à l’ensemble des dispositions de l’ordonnance du N°2020-306 du 25 mars 2020   relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire.

Cette ordonnance a été complétée  et retouchée par une ordonnance N° 2020-427 du 15 avril 2020.

Il convient d’appréhender dans un premier temps le champ d’application de l’ordonnance du 25 mars 2020 et de l’ordonnance du 15 avril 2020 (1) et dans un second temps le sort des délais de livraison, des pénalités de retard et délais de paiement qui ne sont pas expressément visés par cette ordonnance (2).

1) Le   champ d’application de l’ordonnance du 25 mars 2020 et de l’ordonnance du 15 avril 2020.

L’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020 paralyse le jeu des astreintes  et de certaines clauses contractuelles (clause résolutoire, clause pénale et clause de déchéance) qui viennent sanctionner l’inexécution du débiteur, lorsque ces événements  prennent effet durant la « Période Juridiquement Protégée » .

La question reste celle de savoir à partir de quand l’obligation redevient exigible.

La nouvelle ordonnance  du 15 avril 2020 a apporté une précision sur ce point : « la prise d’effet est reportée d’une durée, calculée après la fin de cette Période Juridiquement Protégée, égale au temps écoulé entre, d’une part, le 12 mars 2020 ou si elle est plus tardive, la date à laquelle l’obligation est née et, d’autre part, la date à laquelle elle aurait dû être  exécutée ».

Par exemple un contrat est conclu le 30 janvier.  Ce contrat prévoit qu’en cas d’inexécution,  une clause pénale sera exigible  à compter du 30 mars.  Il convient de calculer le temps qui s’est écoulé entre le 12 mars 2020 et le 30 mars soit 18 jours.  La clause pénale produira donc effet 18 jours après la fin de la Période Juridiquement Protégée soit le 12 juillet si le débiteur ne s’est toujours pas exécuté à cette date.

Supposant également une astreinte qui devait commencer à prendre effet le 30 avril 2020, soit 1 mois et 18 jours après le début de la période juridiquement protégée. Cette astreinte produira effet 1 mois et 18 jours après la fin de la Période Juridiquement Protégée soit le 12 août.

Le même mécanisme s’applique pour les astreintes et clause pénale qui devaient produire effet après la période juridiquement protégée.

Supposant un contrat conclu le 1er février 2020 et une clause pénale qui doit produire son effet en cas d’inexécution le 1er juillet 2020 : cette clause ne pourra produire son effet que 3 mois et 12 jours plus tard après la fin de la Période Juridiquement Protégée soit à compter du 13 octobre.

S’agissant des astreintes et clause pénale qui avaient déjà commencé à produire leur effet avant le 12 mars, l’ordonnance du  15 avril 2020  précise qu’elles sont suspendues durant la Période Juridiquement Protégée et reprennent leur effet dès la fin de celle-ci.

L’ordonnance susvisée ne traite pas des délais de livraison, des pénalités de retard et délais de paiement.

2)  Le sort des délais de livraison,  des pénalités de retard, et des délais  de paiement.

S’agissant des délais de paiement :  le dispositif légal ne permet pas de reporter les délais de paiement,  sauf hypothèses bien précises ( par exemple report des factures de loyer facture d’eau de gaz et d’électricité pour les micros  entreprises et les entreprises éligibles au fonds de solidarité).

S’agissant des pénalités de retard  qui visent à sanctionner le retard de livraison :

Deux mécanismes peuvent être envisagés :

Le dispositif légal :  bien que  l’ordonnance  du 25 mars 2020 complétée par l’ordonnance du 15 avril 2020 traite spécifiquement  des clauses pénales,   il pourrait être fait un parallèle entre  les clauses pénales et les pénalités de retard sachant que, dans les deux cas, l’objectif est de sanctionner le non-respect d’une obligation contractuelle (date de livraison dans le cas de pénalités de retard).

Le dispositif contractuel :   Indépendamment du dispositif légal,  il est important de relire les contrats signés puisque si l’application du dispositif légal peut être discutable dans le cas de contestation de pénalités de retard , le premier réflexe du juge sera d’appliquer les stipulations contractuelles et les mécanismes offerts par le code civil, notamment le  recours à la théorie de la force majeure.

Dès le 28 février 2020, le ministre de l’économie et des finances a indiqué que l’Etat allait considérer le coronavirus comme un cas de force majeure pour les entreprises, «  ce qui veut dire que pour tous les marchés publics de l’Etat, si jamais il y a un retard de livraison de la part des PME et des entreprises nous n’appliquerons pas de pénalités », a-t-il précisé.

Dans un courrier adressé à l’association des maires de France, le ministre a invité les collectivités locales, dans le cas où leur contrat se trouve impacté par la crise du coronavirus à invoquer la force majeure et ainsi à suspendre l’exécution des marchés concernés.

La question est donc de savoir  si la force majeure a été envisagée dans le contrat. Généralement deux possibilités sont envisagées,  soit le délai d’exécution est prolongé en cas de force majeure,  soit le contrat peut être résilié  en cas de force majeure.

Dans l’hypothèse où aucune clause n’a été stipulée c’est le droit commun qui s’applique et notamment l’article 1218 alinéa 2 du Code civil qui dispose : «  Si l’empêchement  est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat . Si l’empêchement  est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations ».

Aussi et à supposer que le contrat ait été signé avant que  les conséquences du COVID 19 ne soient prévisibles,  il est tout à fait légitime d’envisager une suspension des effets du contrat (exécution mais également pénalités de retard) durant la période où  l’état d’urgence sanitaire empêchait les entreprises d’intervenir dans des conditions « normales ».